What The Fiction : pourquoi le design fiction ?

En France, le design fiction est une approche de plus en plus répandue. Utilisé par les entreprises pour se projeter différemment dans le futur de leur secteur d’activité, le design fiction est également mobilisé par des institutions publiques pour se confronter à des “ailleurs” fictifs qui interrogent leur stratégie. Réalisé en 2019, le travail initié par la Red Team pour la Direction générale de l’armement (DGA) est à ce jour un des exemples les plus connus en France. Son objectif : préparer l’armée française à des modalités inédites de conflits en ouvrant la gamme des possibles.

Dispersées, ces différentes initiatives ont souvent en commun de prendre le dérèglement climatique comme toile de fond ; en interrogeant notamment la soutenabilité des modèles actuels, leur capacité d’endurance face aux nouveaux risques et surtout leur nécessaire adaptation. Les initiatives autour du futur des territoires – stations de ski, villes côtières, territoires en déclin – en sont les meilleurs exemples qui confrontent les décideurs publics à de nouvelles redirections écologiques.

Une dynamique fructueuse

Cette dynamique nous apprend trois choses :

1.

Le design fiction semble résister à la standardisation qui semble être l’inévitable corolaire des méthodes à succès (oui, design thinking, je parle de toi). Malgré son intronisation dans les entreprises, cette démarche reste encore distincte des méthodes classiques d’innovation. Veille protéiforme assemblant toutes les sources, scénarii mêlant utopie et dystopie, provotypage articulant réalisme et fiction : même dans un cadre qui veut “trouver des solutions”, le design fiction conserve une forte originalité… Et continue à mettre l’accent sur la création de questions plutôt que sur l’identification de réponses.

Un artefact futuriste produit pour Hors Jeu, une exposition entre prospective et design qui explore les nouveaux horizons du sport en matière de santé et de bien-être, d’événements et de médias, de performance et de technologie.

L’exposition s’est tenue du 14 au 21 septembre 2023 à Paris. Voir notre article ici.

2.

Cette dynamique illustre bien la capacité du design fiction à générer des débats sur un thème – le futur – généralement réservé au top management et plus largement aux élites politiques et économiques. Grâce à des artefacts de toutes sortes accessibles à tous – journal, produit de consommation, manuel du futur – le design fiction permet à n’importe quelle personne de pointer une trajectoire souhaitable ou un futur à éviter. Les courants de l’afrofuturisme et de la biocratie (Aliocha Imhoff, Kantuta Quirós, Qui parle ? (Pour les non-humains), PUF, 2022) élargissent encore davantage l’assiette du débat, qui pour l’un fait entendre des imaginaires non-occidentaux et pour l’autre inclut les animaux et plantes comme acteurs à part entière.

3.

Le design fiction permet de sortir de l’alternative entre effondrement et solutionnisme technologique (entre le « tout noir » et le « tout blanc »), deux imaginaires relativement dominants. Pour l’entreprise, il s’agit d’élargir la gamme des possibles, de débattre de son positionnement et pourquoi pas d’identifier de nouvelles voies stratégiques. Concrètement, cela veut dire : imaginer des contextes alternatifs, des usages inédits, des attentes nouvelles, des contraintes et des opportunités émergentes… Bref, un foisonnement qui réouvre des perspectives pour in fine aider les entreprises à retrouver l’esprit pionnier de leur début, dans un contexte de transition écologique où tout est à repenser.

Alors le design fiction, encore ?

Découvrez également notre article consacré à la Prospective en général, et qui aborde plusieurs outils à disposition, dont le design fiction.

Crédit illustration © François Schuiten
Illustration du scénario 1 : Les “provotypes” (prototypes provocateurs) servent à générer de nouveaux questionnements pour les participants, tout en les aidant à se projeter les scénarios proposés. Ils sont au cœur du design fiction. Ici une planche de bande dessinée.